Mal de dos : 10 croyances nuisibles déconstruites
- Nicolas Blanchette, Ost, B.sc kin
- il y a 9 heures
- 7 min de lecture

"La connaissance, c’est le pouvoir", disait le philosophe Francis Bacon. Il aurait fort bien pu parler du domaine de la souffrance ! En effet, il est démontré que mieux comprendre peut nous aider à prendre action et ainsi nous permettre de reprendre le contrôle sur nos douleurs (Clark et coll, 2011, Louw et coll 2011). À ce sujet, de nombreuses recherches modernes lient la présence de croyances nuisibles à la persistance de la douleur et aux limitations qu’elle entraîne chez les gens qui partagent ces croyances (Baird et coll, 2020, Martinez-Calderon, 2018).
L’être humain est si complexe que les mots et les croyances ont bien le pouvoir de guérir ou de blesser.
Dans cette chronique, je vous partage la traduction d’un excellent récent article composé par une équipe d’experts en douleur persistante et en troubles musculosquelettique menée par l’éminent professeur Peter B. O’Sullivan. J’y ajouterai quelques-uns de mes commentaires personnels tout au long. Bonne lecture !
La lombalgie et les croyances nuisibles
La douleur au bas du dos, communément appelée lombalgie, est la première cause d’invalidité dans le monde (OMS, 2023). Elle engendre beaucoup de souffrance humaine et génère des coûts financiers et sociaux élevés. Qu’est-ce qui explique que, malgré les progrès de la médecine, la lombalgie demeure si invalidante et que les soins pour tenter d’améliorer la situation ne soient souvent pas à la hauteur ? De l’avis de nombreux experts, les croyances néfastes, plus répandues que jamais, pourraient bien être au cœur de cet épineux problème. En effet, les croyances aux effets nocifs au sujet de la lombalgie sont associées à des niveaux plus élevés de douleur, d’handicaps, de dépression, d’anxiété, de consommation de médicaments, de recherche de soins de santé et d’absentéisme au travail (Main et coll, 2010).

Ces préconceptions contribuent à instaurer des attitudes d’hypervigilance face à la douleur, des comportements d’évitement, de peur et des inquiétudes envers nos perspectives : tous des éléments bien démontrés comme étant en lien avec la persistance de la douleur au-delà des temps de guérison normaux (Mills et coll, 2019). Jumelé à des comportements passifs et à un manque de ressource pour s’adapter et apprendre à auto-gérer ses douleurs, ces idées peuvent avoir des impacts nuisibles considérables, généralement des répercussions sur la santé physique et mentale des gens, perpétuant un cercle vicieux de douleur, de déconditionnement et de limitations fonctionnelles (Bunzli et coll, 2017). Ces croyances répandues sont véhiculées à tous les niveaux de la société. Elles sont régulièrement entretenues à la fois par les gens qui ont mal au dos, de même que par leurs proches ainsi que par une grande proportion de gens dans le domaine de la santé (pourtant bien intentionné(e)s) et par les médias. Un manque d’actualisation des connaissances est à la base de cette désinformation généralisée.
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L’équipe d’expert en douleur et en troubles musculosquelettiques rassemblée pour ces travaux propose de démystifier 10 croyances répandues sur la lombalgie et de remplacer celles-ci par des 10 faits utiles pour aider les gens à reprendre le contrôle sur leurs douleurs.
10 croyances nuisibles répandues concernant la lombalgie… accompagnées de 10 rectifications factuelles utiles !
La lombalgie est une condition médicale grave et sérieuse Les maux de dos, bien que pouvant certes être incommodants, ne représente pas une condition médicale qui peut mettre votre vie en danger.
La plupart des maux de dos deviendront chroniques et se détérioreront en vieillissant
La vaste majorité des épisodes de maux de dos ne tourneront pas à la chronicité. Les recherches montrent que plus de 85% des épisodes de lombalgies aiguë se règle complètement à l’intérieur de 12 semaines (Sayed et coll, 2022). De plus, contrairement à la croyance populaire, la lombalgie ne s’aggrave généralement pas en vieillissant (Fejer et coll, 2012).
Une lombalgie persistante est toujours liée à des blessures ou à des dommages tissulaires
Contrairement à la croyance populaire, montrer une attitude négative, des comportements de peur et d’évitement, avoir des attentes pessimistes, et montrer un manque de stratégies de gestion de douleur sont davantage associée à la persistance de la douleur que l’état des tissus aux examens médicaux (Beales et coll, 2015).
La résonnance magnétique permet de détecter la cause de la lombalgie
80 à 95% des lombalgies sont dites non-spécifiques : c’est-à-dire qu’il n’est pas possible de lier la douleur ressentie à un élément physique lésé avec certitude avec des examens médicaux comme l’imagerie par résonnance magnétique (Balagué et coll. 2012). La vaste majorité du temps, les examens par résonnance magnétiques ne permettent ni de prédire l’évolution, ni le temps de résolution, ni d’évaluer la possibilité d’autres épisodes, ni d’améliorer la prise en charge de la lombalgie. Elle peut même être associée à un pronostic plus défavorable en contribuant à élever les niveaux d’anxiété des patient(e)s. (Walker et coll, 2021)
Si je fais de l’exercice et que j’ai mal au dos, c’est toujours un signe que je suis en train de me blesser et que je dois cesser l’activité en question. Les exercices réalisés de façon progressive et graduelle sont sécuritaires et favorise une bonne santé vertébrale et psychologique et ce, dans toutes les directions de mouvement. L’exercice physique est la modalité la mieux étudiée pour aider toute sorte de douleurs persistantes, y compris la lombalgie (Korownyk et coll, 2022).
La lombalgie est causée par l’adoption de mauvaises postures lorsque l’on est assis, lorsque l’on se tient debout ou encore lorsque l’on soulève des charges
Les études montrent que les différentes postures de la colonne vertébrale ne permettent ni de prédire l’apparition de lombalgie, ni d’estimer sa sévérité ou encore son temps de guérison (White et coll, 2022)
La lombalgie est causée par des muscles abdominaux faibles. Renforcer les muscles abdominaux nous protégera contre un futur épisode de mal de dos.
Faire de l’exercice a généralement un effet bénéfique pour réduire le temps des épisodes de lombalgie et diminuer les récurrences. Toutefois, des muscles abdominaux faibles ne sont pas la cause des lombalgies et certaines personnes ont tendance à contracter de façon excessive leurs muscles abdominaux pour effectuer toute sorte de tâches (Karayannis et coll. 2013). Même s’il est souhaitable d’entraîner ses muscles abdominaux, au même titre que les autres muscles de son corps, il n’est pas nécessaire d’activer volontairement les abdominaux lors d’un effort comme soulever une charge du sol (Lair et coll, 2014). Notre corps est tout à fait capable de réaliser la séquence de contraction nécessaire de manière automatique. Se protéger excessivement peut être lié à la kinésiophobie, un facteur de persistance de la douleur (Vlaeyen, 2015).
Faire de l’exercice qui sollicite sa colonne vertébrale contribuera à créer de l’usure dégénérative qui entraînera de la douleur.
Graduellement renforcer les muscles de notre colonne vertébral dans tous les plans de mouvement est sécuritaire. L’exercice graduel et progressif ne contribue pas à détériorer les éléments de notre anatomie. Il permet, au contraire, d’améliorer la résilience de notre colonne vertébrale et favorise notre bonne santé (Korownyk et coll, 2022).
Une ‘’rechute’’ soudaine d’un épisode de lombalgie est un signe que la situation s’aggrave et qu’il faut absolument se reposer.
Les ‘’rechutes’’ de douleur en lien avec les lombalgies sont davantage liées aux changements dans nos activités, nos niveaux de stress et notre humeur plutôt qu’à l’état des éléments de notre colonne vertébral (Fitzcharles et coll, 2022).
Les traitements comme une médication puissante, des injections ou une chirurgie sont souvent efficaces et nécessaires pour traiter la lombalgie persistante.
Une bonne prise en charge efficace de la lombalgie est sécuritaire et n’est relativement pas dispendieuse. Elle inclût de l’éducation centré sur le patient(e) dans le but d’adopter une attitude positive ainsi qu’un coaching dans le but d’optimiser la santé physique, mentale et émotionnelle : faire de l’activité physique régulièrement, s’impliquer dans des activités sociales et un travail valorisant, adopter de bonnes habitudes de sommeil, bien manger pour réduire le surpoids, sont d’autant d’éléments sur lesquelles le patient(e) peut avoir le contrôle pour améliorer sa situation.
Que fait-on maintenant ?
Un effort important doit être fait de la part des professionnel(le)s de la santé afin de rendre ces informations plus accessibles à la population (note de Nicolas : comme vous le voyez, je tente de faire ma part dans cette mission !).
Les thérapeutes qui souhaitent aider les gens vivant avec des maux de dos doivent davantage explorer les croyances, craintes, peurs et attitudes des patient(e)s qui les empêchent de retrouver le contrôle sur la douleur.
Améliorer ses habiletés de communication et d’écoute est primordial afin d’aider les gens à puiser la motivation nécessaire pour prendre action sur leur situation. C’est bien connu : la douleur persistante nécessite une implication et une approche active ! Les thérapeutes ne devraient pas être des mécanicien(ne)s qui réparent passivement leurs client(e)s brisé(e)s ! Ils/elles peuvent agir comme des guides en aidant les gens à reprendre confiance en leur corps et en les aidant à reconceptualiser leurs croyances nuisibles !
Pour la personne lombalgique, il est souhaitable d’explorer, sans crainte et avec confiance, toute sorte d’activités, de mouvements et de posture. Les thérapeutes peuvent également leur prodiguer des conseils d’hygiène de vie prouvés comme ayant des effets bénéfiques sur la santé et aider les gens à cultiver une attitude optimiste basée sur la confiance en leur corps. Ainsi, les patients pourront développer davantage de stratégies d’auto-gestion et prendre des décisions mieux informées au fil du temps. Ultimement, réduire le fardeau la lombalgie sur la société doit passer par une meilleure éducation et transmission de cette éducation par tous les acteurs concernés : professionnel(le)s de la santé, patient(e)s, décideur(euses) public et médias.

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Nicolas Blanchette pratique l’ostéopathie et la kinésiologie avec son équipe Ostéo-Solution sur la Couronne Nord de Montréal. Vous pouvez prendre rendez-vous directement en ligne.
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Références
O’Sullivan, PB et coll, Back to basics : 10 facts every person should know about back pain, Br J sports Med, 2019
Autres sources dans le texte