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Douleur : ces mots qui blessent et ces mots qui soignent


La douleur peut revêtir plusieurs formes. En 2022, la douleur persistante, qu’on appelait anciennement (et parfois encore de nos jours) ‘’ douleur chronique’’ touchait près de 7,6 millions de personne au Canada seulement.

Ce type de douleur qui s’incruste pendant plus de 3 mois et qui entraîne souvent des limitations fonctionnelles toucherait 1 personne sur 5 au Canada, dont 1 personne de plus de 65 ans sur 3. Ce sont des chiffres vertigineux qui donnent une idée de la quantité d’efforts et d’argent déployée pour faire face au problème de la douleur persistante au quotidien.

L’Association internationale pour l’étude de la douleur (IASP, en anglais) définit la douleur en ces termes : ‘’une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à, ou ressemblant à celle associée à, une lésion tissulaire réelle ou potentielle’’. Relisez bien la dernière partie de cette définition dont tous les mots pèsent lourd de signification.


Une lésion tissulaire réelle OU potentielle.

En effet, il est bien reconnu dans l’étude des sciences de la douleur qu’il n’est pas nécessaire que les tissus du corps humain aient subi des lésions physiques pour expérimenter le fait de percevoir de la douleur et celui de développer des souffrances physiques qui sont bien réelles. Il suffit que notre système nerveux autonome active la circuiterie de la douleur dans le but d’assurer notre protection. Et pour cela, il ne nous demande jamais notre permission!

La douleur est un mécanisme de préservation autonome très sophistiqué, mais qui malheureusement peut parfois jouer contre nous et nous gâcher l’existence! Cette douleur persistante qui existe sans la présence de lésion tissulaires détectables est un phénomène bien plus rependu que nous avons tendance à le croire. Aux États-Unis, par exemple, elle toucherait minimalement 50 millions de personnes . Il suffit de penser à tou(te)s ces patient(e)s qui se font dire chaque jour par leurs médecins :


‘’Nos examens n’ont rien décelé. La douleur se trouve dans votre tête. Il va vous falloir apprendre à vivre avec’’.

Bien entendu, la personne qui se fait dire cela a l’impression de vivre une grande injustice et de ne pas être comprise puisqu’elle souffre tous les jours. Pourtant, d’un point de vue neuroscientifique, la douleur n’a pas besoin d’une lésion tissulaire pour être réellement ressentie. Et cela ne signifie en aucun cas que les patient(e)s s’inventent des problèmes. La douleur réelle peut aussi découler d’une hypersensibilisation dans le traitement de l’information par notre système nerveux.

En résumé : notre système nerveux peut déclencher de la douleur (sans nous demander notre avis!) comme mécanisme de protection lorsqu’il perçoit, à partir des infos dont il dispose, qu’il est menacé. D’où peut provenir cette menace ? D’une lésion des tissus, bien entendu (comme lorsque vous placer la main sur un rond de poêle), mais aussi d’autres éléments qui n’ont rien à voir avec la peau, les os et les muscles.

Notre système nerveux autonome, tel un méga-ordinateur, traite une quantité d’informations phénoménales chaque seconde dans le but d’émettre une réaction prédictive adéquate pour sa survie.



Ces informations proviennent de son milieu interne et de son environnement externe et sont de nature physique, cognitives et émotionnelles.

On peut observer ce phénomène de sensibilisation en action lors de certaines situations de la vie quotidienne. Par exemple, plusieurs personnes rapportent ressentir une sensibilité de la bouche exacerbée lorsqu’ils/elles ont rendez-vous chez le dentiste . Leurs dents ou leurs gencives, qui ne sont pas tellement douloureuses à l’habitude, peuvent montrer une sensibilité qui semble excessive alors que le dentiste les examine. Pourtant, l'état physique des structures n’a pas changé à ce moment ; c’est tout simplement notre système nerveux qui se méfit de la visite chez le dentiste, même si l’on sait consciemment que ce dernier ne nous veut pas de mal! Le système nerveux autonome agit alors en se sensibilisant et c’est ce qui fait que l’on perçoit de manière beaucoup plus importante certains stimulus à ce moment.

Les recherches sur la douleur ont permis de montrer que cette dernière est bien influencée par les attentes que nous entretenons auprès d’elle. Par exemple, dans cette expérience récente (Vaegter et coll 2020), trois groupes de participant(e)s devait réaliser des exercices de squats (accroupissements). Pour chaque groupe, une petite séance d’informations rapide était donnée avant la réalisation des exercices.

  1. Dans le premier groupe, les instructeurs véhiculaient de l’information positive : la réalisation de cet exercice avait été démontré comme étant efficace pour réduire la douleur!

  2. Dans le second groupe, on donnait seulement des informations neutres : ‘’cet exercice cible les quadriceps’’, etc.

  3. Finalement, dans le troisième groupe, on donnait de l’information de nature négative, par exemple que cet exercice avait déjà augmenté la sensation de douleur chez d’autres participant(e)s avant eux.

Or, les résultats de l’étude ont permis de montrer que, lors de tests réalisés après l’expérience, le premier groupe que l’on avait préparé avec de l’information positive et le second groupe qui avait reçu des instructions neutres avait chacun démontré une réduction des seuils de tolérance à la douleur.


En revanche, le troisième groupe, chez qui ont avait communiqué des informations peu rassurantes, présentait le phénomène inverse. Leur tolérance à la douleur n’avait pas augmenté après l’expérience, bien au contraire, le système nerveux était devenu plus sensible!

Les scientifiques ont conclu leur