Les médicaments utilisés en douleur : deuxième partie
- Nicolas Blanchette, Ost, B.sc kin
- il y a 2 jours
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 1 jour

Avertissement : avant toute nouvelle prise ou modification en lien avec la médication, que cette dernière soit sur ordonnance ou en vente libre, il est nécessaire d’en discuter d’abord avec votre médecin et/ou votre pharmacien.
La pharmacothérapie, ou prise de médicaments dans le but de produire un effet thérapeutique, est utilisée depuis très longtemps pour aider les gens à passer à travers toutes sortes d’épisodes de douleur.
Dans la première partie de cette chronique, nous nous sommes surtout concentrés sur les molécules régulièrement utilisées contre la douleur aiguë : acétaminophène, anti-inflammatoires non-stéroïdiens, relaxants musculaires et opioïdes. Ces médicaments sont généralement consommés pour une durée assez brève et/ou en combinaison avec d’autres substances et un suivi médical pour certains cas de douleur persistante.
Explorons maintenant plus en détail certaines molécules couramment utilisées dans la gestion de cette dernière catégorie de douleur.
D’entrée de jeu, il est nécessaire de rappeler que la douleur persistante (aussi appelé chronique, bien que ce terme ait une connotation pessimiste assez malheureuse) est définie comme perdurant au-delà du temps de récupération normal des tissus.
Dans la littérature, on la qualifie ainsi lorsqu’elle s’incruste depuis plus longtemps que 3-6 mois. Bien qu’il y ait plusieurs facteurs qui peuvent contribuer à faire perdurer la douleur au-delà du temps normal de guérison des tissus, on sait qu’elle découle souvent d’un phénomène appelé hypersensibilisation neuronale.
L’hypersensibilisation neuronale se développe souvent graduellement au fil du temps à travers des facteurs autant biologiques, que psychologiques et sociaux, mais les études nous renseignent que ce processus est réversible. Pour cela, des approches actives incluant l’éducation et des modifications des habitudes de vie sont au cœur de l’approche de désensibilisation de la douleur persistante.
Il est important de mentionner que se reposer sur la médication SEULE pour une situation de douleur persistante est, la plupart du temps, inefficace. Cependant, la prise de médicaments adaptés, lorsqu’indiquée, peut faire partie de la solution.
Elle peut aider à ouvrir une fenêtre d’opportunité afin de permettre aux gens de prendre action sur les multiples facettes de la douleur persistante et ainsi mieux reprendre le contrôle sur leur vie. Les médicaments coanalgésiques sont parfois prescrits dans les cas de douleur persistante.
Ce sont des médicaments qui ont d’abord été développés pour traiter d’autres pathologiques, mais chez lesquels on a découvert des propriétés contre la douleur. En voici les principaux.
Les antidépresseurs
Certains patient(e)s qui vivent de la douleur persistante se font prescrire des antidépresseurs. Dans mon bureau, j’entends régulièrement : ‘’on m’a prescrit des antidépresseurs, mais je ne les prends pas, car je ne me sens pas déprimé! J’ai simplement mal!’’.
Ce raisonnement découle d’un manque d’informations. Les antidépresseurs agissent sur la douleur en améliorant l’efficacité des mécanismes de modulation descendante, c’est-à-dire, les processus physiologiques qui permettent de régler le ‘’volume’’ de l’alarme de la douleur à la baisse. Lorsqu’on utilise les antidépresseurs contre la douleur, le dosage est plus faible que pour soigner les troubles de l’humeur.
Environ 1 personne sur 3 en situation de douleur persistante noterait une amélioration sur ses niveaux de douleur en utilisant des antidépresseurs. Les antidépresseurs de nouvelle génération (duloxétine et venlafaxine) présentent moins d’effets secondaires que les plus anciens, appelés antidépresseur tricycliques (amitriptyline, désipramine, doxépine et nortriptyline).
L’effet analgésique des anti-dépresseurs est généralement rapportée après une période d’utilisation d’environ 2 semaines, mais il est conseillé de tester une même molécule sur une période de 8 à 12 semaines avant de se prononcer sur son efficacité. Les effets secondaires les plus souvent retrouvés sont : sécheresse de la bouche, constipation, somnolence et augmentation de l’appétit.
Ces médicaments peuvent être contre-indiqués chez certaines personnes. Contrairement à une croyance populaire, ces médicaments n’entraînent pas de dépendance psychologique.

Les gabapentinoïdes
Aussi appelés anticonvulsivants, antiépileptiques ou bloqueurs de canaux calciques voltage dépendant, ces molécules présentent plusieurs modes d’action contre la douleur persistante. Les plus fréquemment prescrits sont la gabapentine et la prégabaline.
Les gabapentinoïdes peuvent stabiliser l’irritabilité des neurones et améliorer la modulation descendante. Ils sont fréquemment utilisés dans les cas de douleur persistante de nature neuropathique : lorsqu’un ou des nerfs blessés se mettent à émettre des signaux inadéquats entraînant des sensations de brûlures, de chocs électriques, d’aiguilles et engourdissements par exemple.
Ils peuvent aussi être utilisé dans d’autres circonstances : syndrome des jambes sans repos, migraines, insomnie, et fibromyalgie, par exemple. On estime qu’un anticonvulsivant pourrait réduire la douleur persistante chez une personne sur trois. L’effet analgésique est généralement ressenti dans une période d’environ deux semaines après le début de la prise.
Ces médicaments présentent des effets secondaires de somnolence et d’étourdissement. Afin de minimiser ces effets, le dosage doit être augmenter graduellement jusqu’à atteindre la dose efficace.
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Les cannabinoïdes
Le cannabis est consommé à des fins thérapeutiques depuis des centaines d’années. En 2018, avec la légalisation de la marijuana au Canada, l’intérêt pour le cannabis et ses effets contre la douleur a augmenté.
Les cannabinoïdes, un groupe de substances chimiques présents dans la plante, permettent d’activer des récepteurs cannabinoïdes qui se trouvent dans le corps humain. L’activation de ces récepteurs peut permettre de diminuer la douleur en réduisant la transmission de cette dernière et en améliorant la modulation descendante (régler le volume de l’alarme à la baisse).
Les principaux cannabinoïdes présents dans le cannabis sont le tétrahydrocannabinol (THC) et le cannabidiol (CBD). Les deux molécules sont connues pour produire des effets analgésiques : cependant, contrairement au THC, le CBD ne produit pas d’effet euphorisant.
Étant donné qu’il manque encore de recherches impartiales en la matière et puisque la consommation de cannabis à long terme est associée à des effets secondaires néfastes (particulièrement s’il est inhalé), au Canada, l’utilisation des cannabinoïdes contre la douleur persistante est actuellement classé comme un traitement de 3e ligne. Lorsque l’on utilise le cannabis contre la douleur persistante, il vaut mieux le faire de manière supervisée.
Certains médicaments à base de cannabis sont disponibles sous prescriptions. L’utilisation des cannabinoïdes pour la douleur persistante nécessite encore davantage de recherche. En outre, on dispose toujours de peu d’études sur les effets du CBD sur la douleur lorsque consommé de manière isolé.

En conclusion
La douleur persistante est un fléau partout dans le monde. Au Canada seulement, on estimait qu’elle était le fardeau de plus de 8 millions de personnes (l’équivalent de la population entière du Québec).
Chaque cas de douleur persistante est aussi complexe et intriqué que l’être humain qui en souffre. La douleur peut exister même sans la présence de lésions. Une citation que j’affectionne dont j’ai malheureusement égaré l’auteur est : ‘’la douleur chronique est moins un problème médical qu’elle n’est un problème humain’’. Cet énoncé rappelle très bien l’importance de chercher à comprendre avant tout l’être humain derrière la douleur.
La médication en douleur persistante n’a pas pour objectif de trouver un remède définitif (une telle chose n’existe malheureusement pas à ce jour!). Cette démarche vise plutôt à aider à établir un plan pour mieux contrôler la douleur afin de retourner à une vie plus fonctionnelle.
La prise de médicament peut être utile pour permettre au patient d’apprendre à mieux gérer la douleur ou pour permettre l’utilisation d’autres modalités de traitement telle que l’activité physique, l’éducation à la douleur, la psychothérapie ou les modifications des habitudes de vie.
La pharmacothérapie en douleur est considérée comme efficace lorsqu’elle permet de diminuer la douleur d’une personne d’au moins 30% OU, encore plus important, lorsqu’elle permet de favoriser une vie plus fonctionnelle. La réponse aux médicaments pour la douleur persistante est très variable entre les individus.
Le plus souvent, il s’agit d’une démarche exploratoire qui doit être réalisée sous la supervision de médecins / pharmaciens et dans laquelle il est nécessaire d’être patient et persévérant.
Ressources
Le centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) a mis en ligne de courtes fiches résumant l’utilisation de ces médicaments coanalgésiques pour des problèmes de douleur persistante. Ces documents peuvent être consultés en ligne par tous. Ils peuvent être une porte d’entrée intéressante pour discuter de la pertinence d’utiliser ces médicaments pour votre situation auprès de votre médecin.
Antidépresseurs : https://www.chumontreal.qc.ca/sites/default/files/2021-12/20-4-antidepresseurs-tricycliques.pdfGabapentinoïdes : https://www.chumontreal.qc.ca/sites/default/files/2022-08/23-4-les-gabapentinoides.pdf
Cannabinoïdes : https://www.chumontreal.qc.ca/sites/default/files/2022-01/22-4-les-cannabinoides.pdf
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Nicolas Blanchette pratique l’ostéopathie et la kinésiologie avec son équipe Ostéo-Solution sur la Couronne Nord de Montréal. Vous pouvez prendre rendez-vous directement en ligne.
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Références
Boulanger, Aline. Faire équipe face à la douleur chronique. Section 3, chapitre 30, p. 241
Philippe De Grandpré, D.pharm, Les traitements pharmacologiques de la douleur, Université de Sherbrooke, 2024
Société de l’Arthrite du Canada, en ligne, 2024
The National Academic of Sciences-Engineering-Medicine, The Health Effects of Cannabis and Cannabinoids: the Current State of Evidence and Recommendations for Research (2017; chap 4).
Gouvernement du Canada, À propos de la douleur chronique, En ligne (2023),